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Anatolij Smilingis

Biographie détaillée d'Anatolij Smilingis

Anatolij Smilingis naît le 4 octobre 1927 à Plunge, en Lituanie. Sa mère est enseignante et son père, directeur d’école, dirige également un parti local nationaliste. Après une perquisition exécutée chez eux par deux soldats soviétiques, la famille est déportée le 14 juin 1941. Le père est alors séparé du reste de la famille. Pour toujours. 

A 14 ans, Anatolij se retrouve avec sa mère et sa petite soeur Rita. Après un long voyage, ils sont débarqués du train à Kotlas où le trajet se poursuit en barges vers la République Komi. Enfin, par camionnette, ils rejoignent leur destination finale: le « Vtoroj ucastok », un camp de la veille transformé en « village spécial».

Sa mère trouve du travail au chaud, dans les bains, tandis qu’Anatolij s’exerce en forêt comme marqueur: il relève les dimensions des rondins. Au départ, ils ont encore des provisions, mais très vite, à l’hiver 1942, la situation se détériore et la famine s’installe. De nouveaux « contingents » arrivent, des Polonais, des Chinois, des Iraniens, si bien qu’Anatolij apprendra le chinois avant le russe. Tous les déportés font preuve de solidarité. Suite à l’arrestation de sa mère, envoyée en camp pour avoir chapardé quelques graines d'avoine, Anatolij commence à gonfler à cause de la faim et échappe de peu à la mort. Il sera sauvé grâce à un seau d’airelles qu’on lui apporte par pitié.

A peine remis, Anatolij reprend le travail en forêt. En 1943, il déménage au village spécial de Sobino, puis, après la guerre s’engage à l’exploitation forestière de Negakeros. Il tombe malade du typhus suite à une épidémie transmise par les nouveaux déportés venus d’Ukraine occidentale. En 1949, il se retrouve à l’hôpital de Kortkeros. Grâce à un autre déporté, chirurgien militaire, qu’Anatolij avait aidé par le passé, il arrive à s’embaucher comme économe à l’hôpital. Mais il n’a qu’une seule envie: retourner en forêt. Son amour pour la forêt est tel qu’il commence dès le début des années 50 à organiser des excursions avec des enfants, pour la plupart, fils de membres du Parti. Il les accompagne sur les traces des anciens camps et des charniers, ce qui est à l’époque interdit. Anatolij se demande encore comment ces enfants ont pu lui être confiés alors qu’il était lui-même encore fiché dans le registre des "déplacés spéciaux". 

Avant son départ pour Kortkeros, Anatolij avait accompagné sa soeur à l’embarcadère de cette ville, d’où les enfants polonais étaient renvoyés chez eux. Elle a fui et rejoint la Lituanie. Pendant deux ou trois ans, elle s’est cachée. Plus tard, au moment de la chute de l’URSS, elle a fait partie du mouvement indépendantiste lituanien dont elle a côtoyé les grandes figures. Elle vit aujourd’hui en Lituanie.

Après la mort de Staline, Anatolij correspond avec un oncle exilé aux USA, ce dernier lui envoie des colis de vivres, qui sont soigneusement fouillés par le NKVD. C’était avant sa libération en 1955, date à laquelle Anatolij reçoit une attestation de la république de Lituanie lui annonçant sa radiation des registres spéciaux, ainsi qu’un passeport avec restriction de déplacement dans les frontières de la République Komi. Même par la suite, Anatolij a toujours repoussé son départ. Il était passionné par son travail, les randonnées avec les enfants lui avaient apporté une reconnaissance sociale. Il n’avait pas envie de quitter cela pour l’inconnu, bien que sa soeur l’ait toujours poussé à revenir en Lituanie. Il a néanmoins fait les démarches pour avoir la citoyenneté lituanienne : il possède désormais la double nationalité et touche des indemnités en Lituanie. 

Anatolij oeuvre aujourd’hui pour le travail de mémoire et le tourisme mémoriel dont il est très certainement le pionnier dans cette région. Il possède d’importantes archives et a même inauguré, il y a dix ans, une commémoration qui se tient chaque année le 14 juin, date de la première déportation des Lituaniens, à l’ancien village spécial de « Vtoroj Ucastok », près de la croix érigée en mémoire des déportés. Les anciens déplacés spéciaux, toutes origines confondues, se retrouvent chaque année pour partager ce moment.