Solidarité Ukraine
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BioGraphie

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Domas  LAURINSKAS


Domas Laurinskas naît en 1935 dans le village Mankiškė en Lituanie, dans une famille de paysans pauvres. Les propriétaires terriens qui embauchaient le père de Laurinskas ont quitté la Lituanie au moment du retrait de l’armée allemande, craignant d'être déportés. En revanche, les parents de Domas ont été pris au dépourvu, n’envisageant pas que les répressions pouvaient toucher les milieux modestes. Ils sont cependant déportés, car ils refusaient de rejoindre le kolkhoze, le 22 mai 1948. Ils sont déportés dans le village, qui avait été peuplé par les prisonniers de guerre japonais. Y restaient en 1948, les déportés ukrainiens de 1941. D’autres Ukrainiens, baptistes cette fois-ci, y ont été déplacés en 1951. Les travailleurs libres y étaient peu nombreux.

Domas se mit à travailler à la coupe du bois, puis fut embauché pour les travaux de construction. La communauté fournie de Lituaniens déportés se réunissait à l’occasion de prières, organisées depuis la Lituanie de façon clandestine. Une croyance religieuse puissante côtoie chez lui une méfiance envers tout engagement civique ou politique. Jusqu’en 1951, il a été ouvrier non qualifié, puis a appris le métier de grutier. Cette promotion par le bas lui a permis d’échapper au village spécial, mais l'a placé sous une dépendance double. L’employeur se mettait d’accord avec la kommandantur pour porter la responsabilité de déportés recrutés, mais les déplacements de ces derniers étaient du ressort de l’employeur.

Domas Laurinskas est resté en Sibérie, bien qu’il soit allé à plusieurs reprises en Lituanie. Après le décès de son père, la mère de Domas Laurinskas est repartie en Lituanie rejoindre son frère aîné, libéré du camp. L’incertitude préside alors sur le devenir de Domas. Il s’est marié, à l’instar d’autres Lituaniens et Ukrainiens déportés à Hazan, son village d'exil. En 2014, bien qu’il possède la citoyenneté lituanienne et un appartement en Lituanie, Domas Laurinskas n’envisage pas de quitter sa grande famille et réside non loin de Hazan, à Zima.

Alain Blum et Irina Tcherneva L'entretien avec Domas Laurinskas a été conduit en 2014 par Emilia Koustova et Alain Blum.

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La libération - un russe dicte la supplique

Domas Laurinskas est libéré, le premier de la famille, en 1958, après avoir envoyé une supplique, qu'il a écrite lui-même en russe, mais sous la dictée d'un russe qu'il connaissait bien. Ce dernier l'a fait, mais n'a pas voulu l'écrire lui-même, de peur d'être identifié.

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"Fils, n'entre dans aucun parti, et tu seras heureux, on te laissera tranquille"

"Мне отец говорил так:Сын, ты не в какую власть, не в какую партию не выступай. И ты будешь счастливый, никто не будет тебя трогать"

(Mon père me disait : fils, n'entre dans aucun pouvoir, dans aucun parti et tu seras heureux, on te laissera tranquille"). Domas Laurinskas, bien qu'ayant eu des responsabilités professionnelles, suivra toute sa vie ce conseil de son père.

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Collaborer avec les Soviétiques

Beaucoup de Lituaniens en profitaient. Eux aussi, ils venaient à la maison et extorquaient les biens. Quand la famille de Laurinskas a été déportée, leur maison et leur ferme ont été pillées.

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La restitution des biens

Personne n’a demandé la restitution de la terre et personne ne leur a rendue. Pendant le pouvoir soviétique, rien n'a été rendu. La plupart des khoutors ont été démolis. Des kolkhozes ont été construits à la place. À l’indépendance de la Lituanie, on a commencé à attribuer des appartements, à verser des indemnités pour les terrains perdus. Domas Laurinskas a touché une compensation, mais a cause de l'inflation il a tout perdu.

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La promotion par le travail

La mère de Domas ne pouvant travailler, il débute encore jeune à la coupe du bois, puis est embauché pour les travaux de construction. D'ouvrier non qualifié, il devient grutier en 1951, et est employé hors du village spécial, avec l'accord tacite du commandant, surveillé désormais par son employeur. Il poursuit une carrière de conducteur d'engin.